Instigations - Part 6
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Part 6

Rose blonde, leger manteau de chrome sur des epaules freles, o rose blonde, femelle plus forte que les males, fleur hypocrite, fleur du silence!

Rose en forme de coupe, vase rouge ou mordent les dents quand la bouche y vient boire, rose en forme de coupe, nos morsures te font sourire et nos baisers te font pleurer, fleur hypocrite, fleur du silence.

Rose toute blanche, innocente et couleur de lait, rose toute blanche, tant de candeur nous epouvante, fleur hypocrite, fleur du silence.

Rose couleur de bronze, pate cuite au soleil, rose couleur de bronze, les plus durs javelots s'emoussent sur ta peau, fleur hypocrite fleur du silence.

Rose couleur de feu, creuset special pour les chairs refractaires, rose couleur de feu, o providence des ligueurs en enfance, fleur hypocrite, fleur du silence.

Rose incarnate, rose stupide et pleine de sante, rose incarnate, tu nous abreuves et tu nous leurres d'un vin tres rouge et tres benin, fleur hypocrite, fleur du silence.

Rose en satin cerise, munificence exquise des levres triomphales, rose en satin cerise, ta bouche enluminee a pose sur nos chairs le sceau de pourpre de son mirage, fleur hypocrite, fleur du silence.

Rose au cur virginal, o louche et rose adolescence qui n'a pas encore parle, rose au cur virginal, tu n'as rien a nous dire, fleur hypocrite, fleur du silence.

Rose groseille, honte et rougeur des peches ridicules, rose groseille, on a trop chiffonne ta robe, fleur hypocrite, fleur du silence.

Rose couleur du soir, demi-morte d'ennui, fumee crepusculaire, rose couleur du soir, tu meurs d'amour en baisant tes mains la.s.ses, fleur hypocrite, fleur du silence.

Rose bleue, rose iridine, monstre couleur des yeux de la Chimere, rose bleue, leve un peu tes paupieres: as-tu peur qu-on te regarde, les yeux dans les yeux, Chimere, fleur hypocrite, fleur du silence!

Rose verte, rose couleur de mer, o nombril des, sirenes, rose verte, gemme ondoyante et fabuleuse, tu n'es plus que de l'eau des qu'un doigt t'a touchee, fleur hypocrite, fleur du silence.

Rose escarboucle, rose fleurie au front noir du dragon, rose escarboucle, tu n'es plus qu'une boucle de ceinture, fleur hypocrite, fleur du silence.

Rose couleur de vermilion, bergere enamouree couchee dans les sillons, rose couleur de vermilion, le berger te respire et le bouc t'a broutee, fleur hypocrite, fleur du silence.

Rose des tombes, fraicheur emanee des charognes, rose des tombes, toute mignonne et rose, adorable parfum des fines pourritures, tu fais semblant de vivre, fleur hypocrite, fleur du silence.

Rose brune, couleur des mornes acajous, rose brune, plaisirs permis, sagesse, prudence et prevoyance, tu nous regardes avec des yeux rogues, fleur hypocrite, fleur du silence.

Rose ponceau, ruban des fillettes modeles, rose ponceau, gloire des pet.i.tes poupees, es-tu niaise ou sournoise, joujou des pet.i.ts freres, fleur hypocrite, fleur du silence.

Rose rouge et noire, rose insolente et secrete, rose rouge et noire, ton insolence et ton rouge ont pali parmi les compromis qu'invente la vertu, fleur hypocrite, fleur du silence.

Rose ardoise, grisaille des vertus vaporeuses, rose ardoise, tu grimpes et tu fleuris autour des vieux bancs solitaires, rose du soir, fleur hypocrite, fleur du silence.

Rose pivoine, modeste vanite des jardins plantureux, rose pivoine, le vent n'a retrousse tes feuilles que par hasard, et tu n'en fus pas mecontente, fleur hypocrite, fleur du silence.

Rose neigeuse, couleur de la neige et des plumes du cygne, rose neigeuse, tu sais que la neige est fragile et tu n'ouvres tes plumes de cygne qu'aux plus insignes, fleur hypocrite, fleur du silence.

Rose hyaline, couleur des sources claires jaillies d'entre les herbes, rose hyaline, Hylas est mort d'avoir aime tes yeux, fleur hypocrite, fleur du silence.

Rose opale, o sultane endormie dans l'odeur du harem, rose opale, langueur des constantes caresses, ton cur connait la paix profonde des vices satisfaits, fleur hypocrite, fleur du silence.

Rose amethyste, etoile matinale, tendresse episcopale, rose amethyste, tu dors sur des poitrines devotes et douillettes, gemme offerte a Marie, o gemme sacristine, fleur hypocrite, fleur du silence.

Rose cardinale, rose couleur du sang de l'Eglise romaine, rose cardinale, tu fais rever les grands yeux des mignons et plus d'un t'epingla au nud de sa jarretiere, fleur hypocrite, fleur du silence.

Rose papale, rose arrosee des mains qui benissent le monde, rose papale, ton cur d'or est en cuivre, et les larmes qui perlent sur ta vaine corolle, ce sont les pleurs du Christ, fleur hypocrite, fleur du silence.

Fleur hypocrite,

Fleur du silence.

DE REGNIER

(born 1864)

De Regnier is counted a successor to the Parna.s.siens, and has indeed written much of G.o.ds and of marble fountains, as much perhaps of the marble decor, as have other contemporaries of late renaissance and of more modern house furniture. His "J'ai feint que les dieux m'aient parle" opens charmingly. He has in the "Odelettes" made two darts into vers libre which are perhaps worth many more orderly pages, and show lyric sweetness.

ODELETTE

Si j'ai parle De mon amour, c'est a l'eau lente Qui m'ecoute quand je me penche Sur elle; si j'ai parle De mon amour, c'est au vent Qui rit et cuchote entre les branches; Si j'ai parle de mon amour, c'est a l'oiseau Qui pa.s.se et chante Avec le vent; Si j'ai parle C'est a l'echo.

Si j'ai aime de grand amour, Triste ou joyeux, Ce sont tes yeux; Si j'ai aime de grand amour, Ce fut ta bouche grave et douce, Ce fut ta bouche; Si j'ai aime de grand amour, Ce furent ta chair tiede et tes mains fraiches, Et c'est ton ombre que je cherche.

He has joined himself to the painters of contemporary things in:

L'ACCUEIL

Tous deux etaient beaux de corps et de visages, L'air francs et sages Avec un clair sourire dans les yeux, Et, devant eux, Debout en leur jeunesse svelte et prompte, Je me sentais courbe et j'avais presque honte D'etre si vieux.

Les ans Sont lourds aux epaules et pesent Aux plus fortes De tout le poids des heures mortes, Les ans Sont durs, et breve La vie et l'on a vite des cheveux blancs; Et j'ai deja vecu beaucoup de jours.

Les ans sont lourds....

Et tous deux me regardaient, surpris de voir Celui qu'ils croyaient autre en leur pensee Se lever pour les recevoir Vetu de bure et le front nu Et non pas, comme en leur pensee, Drape de pourpre et laure d'or.

Et je leur dis: "Soyez tous deux les bienvenus."

Ce fut alors Que je leur dis: "Mes fils, quoi, vous avez monte la cote Sous ce soleil cuisant d'aot Jusqu'a ma maison haute, O vous Qu'attend la-bas peut-etre, au terme du chemin Le salut amoureux de quelque blanche main!

Si vous avez pour moi allonge votre route Peut-etre, au moins mes chants vous auront-ils aides, De leurs rythmes presents en vos memoires, A marcher d'un jeune pas scande Je n'ai jamais desire d'autre gloire Sinon que les vers du poete Plussent a la voix qui les repete.

Si les miens vous ont plu: merci, Car c'est pour cela que, chantant Mon reve, apres l'avoir concu en mon esprit, Depuis vingt ans, J'habite ici."

Et, d'un geste, je leur montrai la chambre vide Avec son mur de pierre et sa lampe d'argile Et le lit ou je dors et le sol ou, du pied, Je frappe pour apprendre au vers estropie A marcher droit, et le calame de roseau Dont la pointe subtile aide a fixer le mot Sur la tablette lisse et couverte de cire Dont la divine odeur la retient et l'attire Et le fait, dans la strophe en fleurs qu'il ensoleille, Mysterieus.e.m.e.nt vibrer comme une abeille.

Et je repris: "Mes fils, Les ans Sont lourds aux epaules et pesent Aux plus fortes De tout le poids des heures mortes.

Les ans Sont durs, la vie est breve Et l'on a vite des cheveux blancs, Si quelque jour, En revenant d'ou vous allez, Vous rencontriez sur cette meme route, Entre les orges et les bles, Des gens en troupe Montant ici avec des palmes a la main, Dites-vous bien Que si vous les suiviez vous ne me verriez pas Comme aujourd'hui debout en ma robe de laine Qui se troue a l'epaule et se dechire au bras, Mais drape de pourpre hautaine Peut-etre--et mort Et laure d'or!"

Je leur ai dit cela, pour qu'ils le sachent, Car ils sont beaux tous deux de corps et de visages, L'air francs et sages Avec un clair sourire aux yeux, Parce qu'en eux Peut-etre vit quelque desir de gloire, Je leur ai parle ainsi pour qu'ils sachent Ce qu'est la gloire, Ce qu'elle donne, Ce qu'il faut croire De son vain jeu, Et que son dur laurier ne pose sa couronne Que sur le front inerte et qui n'est plus qu'un peu Deja d'argile humaine ou vient de vivre un Dieu.

Here we have the modern tone in De Regnier. My own feeling at the moment is that his h.e.l.lenics, his verse on cla.s.sical and ancient subjects, is likely to be overshadowed by that of Samain and Heredia. I have doubts whether his books will hold against the Cleopatra sonnets, or if he has equaled, in this vein, the poem beginning "Mon ame est une infante en robe de parade." But in the lyric odelette, and in this last given poem in particular, we find him leading perhaps onward toward Vildrac, and toward a style which might be the basis for a certain manner F.M.