Theory of the Earth - Volume Ii Part 11
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Volume Ii Part 11

[Footnote 17: Voyage dans les Alpes, tom. 2.]

-- 910. Le premier objet de mon etude fut le Mont Blanc. Il se presente ici de la maniere la plus brillante et la plus commode pour l'observateur. On l'embra.s.se d'un seul coup-d'oeil, depuis sa base jusqu'a sa cime, et il semble avoir ecarte et rejete sur ses epaules son manteau de neiges et de glaces pour laisser voir a decouvert la structure de son corps. Taille presqu'a pic dans une hauteur perpendiculaire de 1600 toises, les neiges et les glaces ne peuvent s'arreter que dans un pet.i.t nombre d'echancrures, et il montre partout a nud le roc vif dont il est compose.

Sa forme paroit etre celle d'une pyramide, qui presente au sud-est du cote du Cramont une de ses faces. L'arrete droite de cette pyramide du cote du sud-ouest, monte au sommet, en faisant avec l'horison un angle de 23 a 24 degres. L'arrete gauche du cote du nord-est, monte au meme sommet sous un angle de 23 a 24 degres, en sorte que l'angle au sommet est d'environ 130 degres.

Cette pyramide paroit elle meme composee de grands feuillets triangulaires ou pyramidaux. Trois de ces grands feuillets ont leurs bases dans l'Allee-Blanche, et forment ensemble tout l'avant corps de la base de la pyramide. Chacun de ces feuillets, vu de l'Allee-Blanche, paroit une grande montagne, je les ai decrits dans le chapitre precedent sous le noms de Mont-Peteret, Mont-Rouge, et Mont-Broglia, -- 830, 831, 834. Mais du haut du Cramont, on voit plus nettement leur forme, et leur ensemble, on distingue, par exemple, qu'ils sont eux-memes composes de grandes feuilles pyramidales; on voit que les injures du temps ont detruit la pointe du Mont-Rouge, tandis que celles des deux autres pyramides sont demeurees entieres.

Ces trois feuillets ne s'elevent pas jusqu'a la moitie de la hauteur du Mont-Blanc; d'autres feuillets plus pet.i.ts, situes derriere et au-dessus d'eux, et places sur deux lignes princ.i.p.ales qui convergent au sommet, achevent de couvrir la face de cette grande pyramide. Ces feuillets sont tous de forme pyramidale; les plus pet.i.ts sont les plus aigus; j'en ai mesure plusieurs, dont l'angle au sommet n'etoit que de 70 degres. Tous, absolument tous, ont leurs plans paralleles a l'Allee-Blanche, et par consequent diriges du nord-est au sud-ouest.

-- 911. Quant a la matiere dont est composee cette grande et haute montagne, toute sa cime et toute sa base, tant au centre que du cote du nord-est, sont indubitablement de granit; mais le cote sud-ouest de la base, ou le Mont-Broglia que nous avons vu de pres, -- 834, est d'une pierre moins dure, melangee de schorl, de feldspath, de mica, de quartz gras et de pyrites.

On voit tres-bien du haut du Cramont que cette partie de la base n'est point du granit; sa couleur est d'un brun rougeatre, elle ne se termine point par des arretes vives et nettes, n'est point composee de grandes tables planes. Ce font cependant des feuillets pyramidaux, mais pet.i.ts et presses les unes contre les autres; a mesure qu'ils s'approchent du sommet, et par cela meme du coeur de la montagne, ils perdent leur couleur rouge, leurs angles deviennent plus vifs, leurs tables plus grandes et plus planes, et enfin pres de la cime, et a la cime meme, ce sont de vrais granits parfaitement caracterises. On peut donc conclure, que le corps entier du Mont-Blanc, et meme ces bases avancees du cote de l'Italie, sont toutes de granit, excepte la base de l'arrete exterieure du cote du sud-ouest.

-- 912. La montagne qui touche le Mont-Blanc du cote du nord-est, et qui, vue de Geneve, forme en quelque maniere le premiere escalier en descendant de la cime, est aussi composee de tables de granit qui paroissent dirigees du nord-est au sud-ouest. Mais la sommite qui suit celle-ci en tirant toujours au nord-est, et qui forme le second escalier, paroit avoir quelques feuillets tournans autour de son corps pyramidal, comme les feuillets d'un artichaux, et comme j'ai depeint l'aiguille du Midi, _tome_ I. _pl._ 6. En tirant plus encore au nord-est, on reconnoit les Jora.s.ses que nous avons vues du haut du Talefre, -- 637, elles paroissent d'ici, apres le Mont-Blanc et ses escaliers, les sommites les plus elevees de toute cette chaine, et elles semblent resulter de l'a.s.semblage de plusieurs suites de feuillets pyramidaux convergents vers leur sommet. En general toutes les cimes elevees que l'on peut distinguer dans cette chaine, depuis le Mont-Blanc jusqu'au col Ferret, sont soutenues par des augives composees d'une ou de plusieurs suites de feuillets pyramidaux appuyes les uns contre les autres; les exterieures ont leurs bases dans le fond de la vallee, et les interieures remontent par degres jusqu'au haut des cimes. Les deux escaliers du Mont-Blanc sont les seules sommites qui n'aient pas des augives de ce genre.

-- 913. Je demande a present quelle idee on peut se faire de l'origine de ces feuillets plans et de toutes ces pyramides grandes et pet.i.tes qui resultent de leur a.s.semblage, si on ne les considere pas comme les restes ou les noyaux les plus durs des couches qui out resiste aux ravages du temps, tandis que les parties intermediaires, qui les lioient entr'elles, out ete detruites par ces memes ravages.

Mais jusqu'a quel point la crystallization a-t-elle contribue a determiner ces formes pyramidales? doit-on considerer le Mont-Blanc ou telle autre de ces aiguilles, comme un enorme crystal? C'est une question de theorie que j'examinerai ailleurs. Quant a present je me contenterai de conclure, que la face meridionale de la chaine centrale des Alpes est, comme la face septentrionale de cette meme chaine, composee, pour la plus grande partie, de couches de granit a-peu-pres verticales, et dirigees pour la plupart du nord-est au sud-ouest.

This theoretical question of our author is so properly connected with the natural history which he has here given us, that it is not difficult to resolve it in the most satisfactory manner.

Here is an enormous ma.s.s of granite, the origin of which we are not now inquiring after, but the causes of its present form. The internal part of this granite subsists in a state of the most perfect solidity; the external again is evidently in a decaying state. This is a fact which we learn from the nature of feldspar, of which granite is in part composed; this crystallised substance is every where decomposed, where long exposed to the atmosphere. But it is not this gradual decay of the ma.s.s of granite perishing equably from its external surface, and resolved into some of its component parts, that we are here to consider; it is only mentioned to show that the ma.s.s of granite is subject to decay, when exposed to the influence of the atmosphere, like every other compound mineral body, and to lose that perfect solidity which we find in the centre of the ma.s.s.

We find the granite ma.s.ses not only subject to decay from the external surface, by the decomposition of the feltspar, or the dissolution of its const.i.tuent parts, but also liable to be separated into blocks of different degrees of regularity, commonly rectangular or approaching to the rhombic shape. This is the consequence, either of larger veins and fissures, filled with matter which is still more dissolvable than is the substance of the granite, or else by imperceptible crevices or cutters, into which the atmospheric influences gradually insinuate, and form at last a visible separation.

In examining the tops of granite mountains, or where this rock is exposed to the weather, we may perceive those two species of decay proceeding together. The external surface of the stone, where there is a sufficient mixture of feltspar, is separating into grains which form a species of sand, being nothing but the particles of granite separating by means of the decaying sparry part. But a similar progress may be observed, from the external surface penetrating in lines the ma.s.s of solid rock, and dividing that ma.s.s into the rectangular blocks into which those exposed places are gradually resolved.

Now the tops of all those mountains are formed into an a.s.semblage of pyramids, declining in height from the central pyramid; and all those pyramids are again in like manner subdivided into lesser pyramids. But the smallest of those pyramids are no other than the rectangular blocks into which those granite ma.s.ses always separate by the influence of the atmosphere.

It will now be evident, that those mountains, thus resolving into separate blocks, must acquire this series of pyramidal constructions; for, in every particular ma.s.s of mountain, there must be a central part, from which the separated blocks cannot be removed, while those around, or towards the sides, are detached by the swelling water upon freezing, and separated from the more central ma.s.ses which are thus the latest of being removed.

It is impossible to see this series of pyramidal relics, without at the same time perceiving that manner of formation, by the gradual resolution of the solid ma.s.s of granite, as it comes to be exposed in succession to the influences of the atmosphere, which M. de Saussure has termed _les ravage du temps_.

But if it be in this manner, that time wastes the solid ma.s.ses of this globe; and if all the solid ma.s.ses of the earth have acquired their solid state by the same means, _i.e._ by heat and fusion, as is maintained in the present theory, we should find similar pyramidal mountains formed of different materials. Now there can be nothing more different than ma.s.ses of lime-stone and those of granite. But pyramidal mountains are equally formed of those two different materials. In plate V, under the letter B, may be seen the calcareous pyramids which are near the _col de la Seigne_, and which in plate VI. are represented under the letter G.

Here is a view of the summit of the Alps, from whence we may be allowed to draw the most important conclusions in favour of our theory.

This summit is of solid granite, a ma.s.s in which there is no stratification, such as is to be perceived in all the other ma.s.ses of those alpine regions. With regard again to the extent of this ma.s.s of granite, its basis is about two leagues in breadth, by at least thrice that s.p.a.ce in length; and now we are to consider in what shape this ma.s.s of granite presents itself to our view.

The summit of Mont Blanc, which may be considered as in the centre of this ma.s.s, is a pyramid; and this great central pyramid is surrounded by a number of other great pyramids of the same kind. The points of those pyramids are extremely lofty; and, having sides often vastly steep, if not perpendicular, those colossal pyramids rise from the icy valleys in such a shape as has given occasion to their being named _needles_. Thus we find the whole s.p.a.ce of this granite ma.s.s consisting of a mixture of icy valleys, and pyramidal rocks on which hardly any thing rests.

Now, these lofty rocks or pointed mountains must have been either originally formed of that shape, or posteriorly hewn out by the hand of nature, gradually wasting mountains in the course of time, and operations of the surface. If it is by the first that we are to explain the present state of things, then observation is superfluous, and our reasoning is at an end; for, when even observation should not contradict the proposition, which it actually does, it would be useless, as it can afford no data from a former state, which is supposed to have been no other than it is at present; and reasoning cannot be admitted if we have no data. Therefore, if we are to reason upon the subject, we are obliged to admit, that nature must have hollowed out of the solid rock all those pyramidal mountains, and a system of inclined valleys carrying the ice from the summits.

Let us now reason from our principles, in order to see how far the present appearances of things would naturally result from those wasting causes acting upon a ma.s.s of granite, of a given basis and of sufficient height, during a s.p.a.ce of time which is unlimited.

We are to suppose our ma.s.s of granite without any structure except that of the veins and cutters, formed by the contraction of the solid ma.s.s in cooling. Now, those separations will naturally give direction to the operation of the wasting causes, whether we consider these as chymical or mechanical. Hollow tracts would thus be formed in the solid ma.s.s; in those hollow ways would flow the water, carrying the detached portions of the rock; and those hard materials, by their attrition upon the solid ma.s.s, would more and more increase the channels in which they move. Thus there would be early formed a system of valleys in this rock, and among those valleys a number of central points, or summits over which no running water would carry hard materials to operate upon the solid rock over which it flows.

Here therefore, in the nature of things, is placed the rudiments of our needles, those colossal pyramids which acquire height gradually as the valleys widen, and whose _apices_ may arrive at an angle of a certain degree of acuteness. But what a waste of rock to have formed all those needles which we find rising from the icy valleys round Mount Blanc!

Upon the supposition that this had been the origin of those pyramidal mountains, it must be evident, that there is a _ne plus ultra_ of acuteness to which the _apex_ of a pyramid would in time arrive; and that then the decaying summit would tumble by the lump alternately, and regain the acuteness of its point. Now, if this be the case, although we cannot see the process, which is too slow for human observation, we should actually find them in all the stages of this progress. But this is precisely the state in which the summits of those mountains are to be found. M. de Saussure gives a view of one of those pyramids, which will serve to ill.u.s.trate this subject in the most perfect manner. It is from the Montanvert that this object is to be perceived. (Voyages dans les Alpes, vol. 2.).

These high peaks of solid rock demonstrate the manner in which those enormous ma.s.ses of mountains are degraded, and also the means which are employed by nature for that purpose; but this scene, however well represented, is too far removed, in its appearance, from the ordinary mountains of this earth, to satisfy the doubts of every reader or to generalise a principle which must be universal in the system of this earth. We therefore have occasion for a mean, by which the extreme of those alpine summits shall be generalised or connected with our low inclined plains; and, on this occasion, I will give M. de Saussure's most excellent description of the Breven. Nothing can better suit our present purpose than the subject of this natural history; and I am persuaded that most readers will be better informed by the description of this naturalist, than they would be by their own observation.

--. 639. J'ai deja plusieurs fois nomme cette montagne, qui est situee immediatement au-dessus du Prieure de Chamouni, du cote du nord-ouest: elle est liee par sa base avec les Aiguilles-rouges, dont j'ai aussi parle dans le premier volume. Mais sa cime est nue, isolee, arrondie sur les derrieres, et coupee a pic du cote de Chamouni. C'est a tous egards une des montagnes les plus interessantes pour un naturaliste.

J'y montai pour la premiere fois en 1760, et je ne crois pas qu'aucun naturaliste l'eut visitee avant moi; j'y retournai l'annee suivante; j'y allai encore en 1767, et j'y montai enfin pour la derniere fois en 1781, afin de verifier mes anciennes observations, et de me mettre en etat d'en donner une description plus exacte.

-- 640. On peut du Prieure monter au sommet du Breven et redescendre dans le meme jour, mais c'est une course penible, car il faut au moins cinq heures pour monter, et la pente est extremement rapide. On peut cependant faire a mulet le premier tiers de cette montee. Comme je voulus avoir le tems d'observer tout avec soin, j'y destinai deux jours, et j'allai coucher le premier jour dans un chalet, nomme _Plianpra_, qui, en partant du Prieure, est aux deux tiers de la hauteur totale de la montagne.

En montant a Plianpra, on fait pres des trois quarts du chemin sur des debris tombes et roules du haut de la tete du Breven. La colline meme sur laquelle est bati le village du Prieure n'est composee que des debris de cette montagne; ces debris ont debouche par une gorge que nous traversons en montant, et se versant ensuite a droite et a gauche, ils ont pris la forme d'un cone, dont le sommet est au milieu de cette gorge. Les collines de ce genre et de cette forme se rencontrent bien frequemment dans les vallees bordees par de hautes montagnes.

Ces debris, qui ne viennent pas seulement de la tete du Breven, mais de ses flancs et de sa base, sont des roches feuilletees melangees de quartz, de mica et de feldspath dans toutes les proportions imaginables.

De ces differentes proportions naissent differens degres de durete, depuis le granit feuillete le plus dur jusques a la roche micacee la plus tendre.

-- 641. Les rochers au pied desquels on pa.s.se avant de gravir la montee rapide et herbee qui about.i.t a Plianpra, sont composes d'une roche feuilletee a.s.sez dure, dont les couches bien paralleles aux veines interieures de la pierre, suivent la direction de l'aiguille aimantee et sont tres-inclinees a l'horison.

Le chalet de Plianpra est situe au milieu d'une a.s.sez grande prairie en pente douce du cote de la vallee de Chamouni, et dominee du cote oppose par les rocs nus qui forment les sommites de la chaine du Breven. Du bord de cette prairie, on a une tres-belle vue du Mont-Blanc, de la vallee de Chamouni et des glaciers qui y aboutissent. Ces memes objets se presentent avec bien plus d'eclat de la cime du Breven; cependant la vue de Plianpra meriteroit bien que ceux qui n'auroient pas la force ou le courage d'aller jusques a la cime, monta.s.sent du moins jusque la pour s'en former une idee.

Comme je ne voulois monter sur le Breven que lendemain, j'employai le reste de la journee a observer les environs du chalet. J'examinai surtout avec soin des rochers situes a une demi-lieue au nord au-dessus du chalet, qui de loin paroissent colores en rouge, comme plusieurs sommites de cette chaine: c'est par cette raison qu'elle porte le nom _d'Aiguilles-rouges_.

-- 642. Je trouvai que c'etoient encore des granits veines, melanges de quartz, de feldspath, de mica et de fer qui colore la pierre en se decomposant au-dehors: cette teinte penetre meme quelquefois a.s.sez avant dans l'interieur. Ces rochers sont divises par couches bien distinctes, a-peu-pres verticales, et dans la direction de l'aiguille aimantee, comme celles que j'avois observees au-dessous du chalet. Ces couches sont coupees par des fentes a-peu-pres perpendiculaires a leurs plans, et qui sont pour la plupart paralleles a l'horison, de maniere que ces rochers se trouvent ainsi divises en grandes pieces de forme a-peu-pres rhombodale. Les veines memes interieures de la pierre sont aussi tres-bien p.r.o.noncees, et exactement paralleles a ses couches; observation generale et de la plus grande importance, parce qu'elle prouve que ces couches sont bien de vraies couches, et non point des fissures produites fortuitement par la retraite ou par un affaiss.e.m.e.nt inegal des parties du rocher. Ces veines sont dessinees sur le fond blanc de la pierre des feuillets minces de mica noiratre; elles sont tantot planes, tantot ondees, mais toujours regulieres et paralleles entr'elles, excepte la ou il se rencontre des noeuds; encore reprennent-elles leur direction apres en avoir fait le tour. Comme le mica s'y trouve en pet.i.te quant.i.te, la pierre est dure, et ne se brise qu'a grands coups de marteau. Lorsqu'on l'observe de pres dans sa ca.s.sure, on voit que les pet.i.tes lames ou ecailles de mica sont constamment couchees dans le sens des veines de la pierre. Ces memes ecailles n'ont presque aucune adherence entr'elles, en sorte que les feuillets dont la pierre est composee, n'adherent entr'eux que par les points ou il ne se trouve point de mica.

-- 643. Je me demandois a moi-meme, en observant cette pierre, s'il etoit possible qu'elle eut ete formee dans cette situation verticale; si ces ecailles incoherentes auroient pu venir s'attacher a ces murs verticaux, et si le mouvement des eaux, clairement indique par le tissu feuillete de la pierre, n'auroit pas du les detacher et les faire tomber a mesure qu'elles se formoient. Je me demandois encore, si les fentes qui coupent ces feuillets, perpendiculairement a leurs plans, ne dateroient point d'un tems ou ces couches auroient ete horisontales, et n'auroient point ete produites alors par le poids et l'affaiss.e.m.e.nt inegal des parties de la pierre. Mais pour admettre cette supposition, il faudroit expliquer comment ces bancs, d'abord horisontaux, ont pu se redresser; pourquoi ce redress.e.m.e.nt a ete si frequent, si regulier, etc. etc. Je reserve pour un autre tems la discussion de ces grandes questions; mais je ne crois pas inutile de faire apercevoir la liaison qu'ont avec la theorie des observations si minutieuses en apparence.

En faisant ces reflexions, je retournai au chalet de Plianpra ou je pa.s.sai la nuit sur de la paille que j'avois fait etendre aupres du feu, parce que la soiree etoit extremement fraiche.

-- 645 On commence a monter par de jolis sentiers peu inclines, pratiques le long d'un grand rocher semblable a ceux que j'avois observes la veille. On a ensuite le choix de monter, ou par des pentes couvertes de rocailles un peu fatigantes, ou par des gazons extremement rapides. Ceux-ci paroissent d'abord plus agreables et moins penibles; cependant ces gazons sont si serres et si glissans, qu'ils en deviennent dangereux, au moins pour ceux qui n'ont pas l'habitude des montagnes.

Ces rocailles sont debris de roches feuilletees, semblables a celles que l'on rencontre en montant du Prieure a Plianpra.

-- 646. B. Au bout d'une heure de marche, on arrive au pied d'un rocher a.s.sez escarpe, qu'il faut escalader pour parvenir a la cime de la montagne. C'est une roche micacee, mais qui contient cependant a.s.sez de quartz pour avoir de la consistance. Elle se separe par feuillets si decides, que sans employer d'autre instrument que mes mains, j'en detachai une dalle, qui avoit sept pieds de hauteur sur quatre de largeur, et a peine un pouce dans sa plus grande epaisseur.

J'avois quelque desir de descendre de-la au pied des grandes tables verticales qui composent la tete du Breven, pour les observer de pres et comparer ainsi leur base avec leur cime; mais de cet endroit la chose est impossible, la pente est d'une telle rapidite qu'une pierre mediocrement grosse, que je mis en mouvement, roula avec beaucoup de vitesse, en entraina d'autres, celles-ci d'autres, et elles formerent enfin un torrent de pierres qui se precipita avec un fracas mille fois repete par les grands rochers du Breven.

Comme donc je ne pouvois pas descendre, je montai par le pa.s.sage ordinaire, qui est une espece de couloir ou de cheminee ouverte, adossee a un rocher presqu'a pic, de 40 ou 50 pieds de hauteur. Bien des curieux sont venus jusques au pied de ce pa.s.sage sans oser le franchir; mais je vis en revenant qu'a un demi-quart de lieue plus au nord, on trouve un autre pa.s.sage extremement commode, qui mene au meme but, et qu'il faut par consequent toujours preferer.

Ce rocher une fois escalade, on monte par une pente douce, sans danger et sans fatigue, jusqu'au sommet du Breven.

-- 646. C. En montant le long du bord, du cote de Chamouni, j'eus un plaisir inexprimable a contempler les magnifiques tables de granit dont est composee toute la tete de cette montagne. Car bien que les ecailles du mica noiratre dont cette roche est melangee, soient paralleles entr'elles et lui donnent ainsi quelque ressemblance avec une roche feuilletee, cependant la quant.i.te de quartz et de feldspath qui entrent dans sa composition, son extreme durete, le peu de disposition qu'elle a a se fondre dans le sens de ses feuillets, la placent, sinon pour le nomenclateur, du moins pour le naturaliste, dans la cla.s.se des vrais granits[18]; et le parfait parallelisme de ces feuillets avec les faces des grandes tables, ou des grandes divisions du rocher, demontre que ces tables sont des couches, et non des parties separees par des fissures accidentelles.

[Footnote 18: La denomination de _granit veine_ que j'ai, a ce que je crois, employee le premier, a paru tres-heureuse a quelques naturalistes, et a, au contraire, souverainement deplu a quelques autres. Un de ces derniers pretend que ce que je nomme granit veine n'est qu'un amas de gravier graniteux, et par consequent une espece de gres grossier. Mais je voudrois que ceux qui de bonne foi pourroient croire que j'aie commis une erreur aussi grossiere et aussi frequemment repetee, observa.s.sent les granits du Breven; et j'en enverrais volontiers a ceux d'entr'eux que le souhaiteroient. Lorsqu'ils verroient que les parties de quartz et de feldspath qui entrent dans leur composition, ont tous leurs angles vifs et tranchans, que ces parties sont intimement unies entre elles et empatees les unes avec les autres, comme dans les granits en ma.s.se; que leur coherence est aussi grande que dans ces derniers granits, et que cette roche n'en differe absolument, comme je l'ai deja dit, que par le parallelisme qu'observent entr'elles les lames rares de mica dont elle est melangee: je suis persuade qu'ils reconnoitroient qu'elle a tous les caracteres essentiels du ranit, qu'elle doit avoir la meme origine, et qu'en un mot elle est au granit proprement dit, ce qu'une pierre calcaire feuilletee est a une pierre calcaire dans laquelle on ne distingue point de feuillets.]

L'extreme regularite de ces tables acheve de demontrer que ce sont de veritables couches. Leurs plans qui sont ici a decouvert dans une hauteur perpendiculaire de plus de 500 pieds, sont parfaitement suivis, comme tailles au ciseau, diriges tous comme l'aiguille aimantee, et verticaux, a quelques degres pres dont ils s'appuyent contre le corps de la montagne. On s'a.s.sure en montant que cette structure est celle de la montagne entiere; on voit les profils d'une infinite de ces couches, on pa.s.se sur les sommites de ces tranches verticales, et on les voit se prolonger dans cette meme direction tout au travers de la montagne.

Or je demande si un naturaliste qui aura observe cet ensemble et ces details pourra regarder cette montagne comme le produit du concours fortuit de grains de sable agglutines entr'eux.

Ces tables sont coupees un peu obliquement a leurs plans par des fentes dont la plupart sont a-peu-pres horizontales et d'autres tres-inclinees a l'horizon. La pierre se trouve ainsi tres-frequemment coupee en parallelepipedes obliquangles. Ces memes fentes rendent raison, d'une observation que j'avois faite en 1776. En examinant avec une bonne lunette, depuis une fenetre du Prieure, les faces verticales des couches de la sommite du Breven, j'avois remarque un grand dieze [Ill.u.s.tration]

bien nettement ecrit sur la face de la montagne, je le vis de pres en 1781, et je reconnus qu'il etoit forme par quatre de ces fentes qui se coupoient obliquement.

-- 647. La cime de la montagne est une pointe mousse, coupee a pic du cote de la vallee de Chamouni et arrondie de tous les autres cotes.

Cette tete est entierement couverte de debris et de blocs confus.e.m.e.nt enta.s.se. On est etonne de trouver la ces debris, car cette cime est absolument isolee, et separee par de larges et profondes vallees des sommites qui la surpa.s.sent en hauteur: il semble que ces debris n'aient pu tomber que du ciel; mais quand on les examine avec soin, on voit qu'ils sont du meme genre de pierre que la montagne elle meme; et que tous leurs angles font vifs, leurs faces planes et leur forme souvent rhombodale. On reconnoit donc par la que les parties superieures de la montagne, qui sont plus exposees aux injures de l'air et qui ne sont pas a.s.sujetties par des ma.s.ses situees au-dessus d'elles, se delitent et se separent. Je trouvai cependant sur la cime une pierre d'une espece differente; c'etoit une roche composee de schorl noir en aiguilles, de quartz et de grenats; sa forme etoit exactement rhombodale. Mais ce genre de pierre se rencontre a.s.sez souvent en filons dans les roches feuilletees et dans les granits veines; il est donc vraisemblable que le filon auquel ce fragment avoit appartenu s'est detruit avec la partie superieure du rocher, du moins n'en ai-je pu trouver aucun indice dans la partie solide de la montagne.