Popular Tales - Part 17
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Part 17

De tout le temps pa.s.se j'ai perdu la memoire, Je suis content de votre repentir, Allez il est tems de partir.

Elle part aussi-tot, & regardant son Pere, Qu'on avoit revetu de son rustique habit, Et qui le coeur perce d'une douleur amere, Pleuroit un changement si prompt & si subit.

Retournons, lui dit-elle, en nos sombres boccages, Retournons habiter nos demeures sauvages, Et quittons sans regret la pompe des Palais, Nos cabanes n'ont pas tant de magnificence, Mais on y voit regner dans l'innocence Un plus ferme repos, une plus douce paix.

Dans son desert a grand'peine arrivee, Elle reprend & quenouille & fuzeaux, Et va filer au bord des memes eaux Ou le Prince l'avoit trouvee.

La son coeur tranquille & sans fiel, Cent fois le jour demande au Ciel, Qu'il comble son Epoux de gloire, de richesses, Et qu'a tous ses desirs il ne refuse rien.

Un Amour nourri de caresses N'est pas plus ardent que le sien.

Ce cher Epoux qu'elle regrette, Voulant encore l'eprouver, Lui fait dire dans sa retraite Qu'elle ait a le venir trouver.

Griselidis, dit-il, des qu'elle se presente, Il faut que la Princesse a qui je dois demain Dans le Temple donner la main, De vous & de moi soit contente.

Je vous demande ici tous vos soins, & je veux Que vous m'aidiez a plaire a l'objet de mes voeux, Vous savez de quel air il faut que l'on me serve, Point d'epargne, point de reserve, Que tout sente le Prince, & le Prince amoureux.

Employez toute votre adresse A parer son appartement, Que l'abondance, la richesse, La proprete, la politesse S'y fa.s.se voir egalement; Enfin songez incessamment Que c'est une jeune Princesse Que j'aime tendrement.

Pour vous faire entrer davantage Dans les soins de votre devoir, Je veux ici vous faire voir Celle qu'a bien servir mon ordre vous engage.

Telle qu'aux portes du Levant Se montre la naissante Aurore, Telle parut en arrivant La Princesse plus belle encore.

Griselidis a son abord Dans le fond de son coeur sent.i.t un doux transport De la tendresse maternelle; Du tems pa.s.se, de ses jours bienheureux, Le souvenir en son coeur se rappelle, Helas! ma fille, en soi-meme, dit-elle, Si le Ciel favorable eut ecoute mes voeux, Seroit presqu'aussi grande & peut-etre aussi belle!

Pour la jeune Princesse en ce meme moment, Elle prit un amour si vif, si vehement, Qu'aussi-tot qu'elle fut absente, En cette sorte au Prince elle parla, Suivant sans le savoir, l'instinct qui s'en mela.

Souffrez, Seigneur, que je vous represente, Que cette Princesse charmante, Dont vous allez etre l'Epoux, Dans l'aise, dans l'eclat, dans la pourpre nourrie, Ne pourra supporter, sans en perdre la vie, Les memes traittements que j'ai recu de vous.

Le besoin, ma naissance obscure, M'avoient endurcie aux travaux Et je pouvois souffrir toutes sortes de maux Sans peine & meme sans murmure; Mais elle qui jamais n'a connu la douleur, Elle mourra des la moindre rigueur, Des la moindre parole un peu seche, peu dure, Helas! Seigneur, je vous conjure, De la traitter avec douceur.

Songez, lui dit le Prince avec un ton severe, A me servir selon votre pouvoir, Il ne faut pas qu'une simple Bergere Fa.s.se des lecons, & s'ingere, De m'avertir de mon devoir.

Griselidis a ces mots sans rien dire, Baisse les yeux et se retire.

Cependant pour l'hymen les Seigneurs invitez, Arriverent de tous cotez, Dans une magnifique salle Ou le Prince les a.s.sembla; Avant que d'allumer la torche nuptiale, En cette sorte il leur parla.

Rien au monde apres l'esperance; N'est plus trompeur que l'apparence: Ici l'on en peut voir un exemple eclatant, Qui ne croiroit que ma jeune Maitresse, Que l'hymen va rendre Princesse, Ne soit heureuse & n'ait le coeur content?

Il n'en est rien pourtant.

Qui pourrait s'empecher de croire, Que ce jeune Guerrier amoureux de la gloire, N'aime a voir cet hymen, lui qui dans les Tournois Va sur tous ses Rivaux remporter la victoire, Cela n'est pas vrai toutefois.

Qui ne croiroit encor qu'en sa juste colere, Griselidis ne pleure & ne se desespere?

Elle ne se plaint point, elle consent a tout.

Et rien n'a pu pousser sa patience a bout.

Qui ne croiroit enfin que de ma destinee, Rien ne peut egaler la course fortunee, En voyant les appas de l'objet de mes voeux?

Cependant si l'hymen me lioit de ses noeuds, J'en concevrois une douleur profonde, Et de tous les Princes du monde, Je serois le plus malheureux.

L'enigme vous paroit difficile a comprendre, Deux mots vont vous la faire entendre, Et ces deux mots feront evanouir Tous les malheurs que vous venez d'ouir.

Sachez, poursuivit-il, que l'aimable personne Que vous croyez m'avoir blesse le coeur, Est ma fille, & que je la donne Pour femme a ce jeune Seigneur, Qui l'aime d'un amour extreme, Et dont il est aime de meme.

Sachez encor, que touche vivement De la patience & du zele De l'Epouze sage & fidelle Que j'ai cha.s.see indignement, Je la reprens, afin que je repare, Par tout ce que l'amour peut avoir de plus doux, Le traittement dur & barbare Qu'elle a recu de mon esprit jaloux.

Plus grande sera mon etude, A prevenir tous ses desirs Qu'elle ne fut dans mon inquietude, A l'accabler de deplaisirs; Et si dans tous les tems doit vivre la memoire Des ennuis dont son coeur ne fut point abattu, Je veux que plus encore on parle de la gloire, Dont j'aurai couronne sa supreme vertu.

Comme quand un epais nuage A le jour obscurci, Et que le Ciel de toutes parts noirci, Menace d'un affreux orage; Si de ce voile obscur par les vents ecarte, Un brillant rayon de clarte, Se repand sur le Pasage, Tout rit & reprend sa beaute, Telle dans tous les yeux ou regnoit la tristesse Eclatte tout a coup une vive allegresse.

Par ce prompt eclairciss.e.m.e.nt La jeune Princesse ravie D'apprendre que du Prince elle a recu la vie, Se jette a ses genoux qu'elle embra.s.se ardemment, Son pere qu'attendrit une fille si chere, La releve, la baise, & la meine a sa mere, A qui trop de plaisir en un meme moment, Otoit presque tout sentiment.

Son coeur qui tant de fois en proye Aux plus cuisans traits du malheur, Supporta si bien la douleur, Succombe au doux poids de la joye; A peine de ses bras pouvoit-elle serrer L'aimable Enfant que le Ciel lui renvoye, Elle ne pouvoit que pleurer.

a.s.sez dans d'autres tems vous pourrez satisfaire, Lui dit le Prince, aux tendresses du sang, Reprenez les habits qu'exige votre rang, Nous avons des nopces a faire.

Au Temple on conduisit les deux jeunes Amans, Ou la mutuelle promesse De se cherir avec tendresse, Affermit pour jamais leurs doux engagemens, Ce ne sont que plaisirs, que Tournois magnifiques, Que jeux, que dances, que musiques, Et que Festins delicieux, Ou sur Griselidis se tournent tous les yeux, Ou sa patience eprouvee, Jusques au Ciel est elevee, Par mille eloges glorieux: Des peuples rejouis la complaisance est telle, Pour leur Prince capricieux; Qu'ils vont jusqu'a louer son epreuve cruelle, A qui d'une vertu si belle, Si seante au beau s.e.xe, & si rare en tous lieux, On doit un si parfait modele.

A MONSIEUR ----

EN LUI ENVOYANT

_GRISELIDIS_.

Si je m'etois rendu a tous les differens avis qui m'ont ete donnez sur l'ouvrage que je vous envoye, il n'y seroit rien demeure que le Conte tout sec & tout uni, & en ce cas j'aurois mieux fait de n'y pas toucher & de le laisser dans son papier bleu, ou il est depuis tant d'annees. Je le lus d'abord a deux de mes amis. Pourquoi, dit l'un, s'etendre si fort sur le caractere de votre Heros, qu'a-t-on affaire de savoir ce qu'il faisoit le matin dans son conseil, & moins encore a quoi il se divertissoit l'apresdinee.

Tout cela est bon a retrancher. Otez-moi, je vous prie, dit l'autre, la reponse enjouee qu'il fait aux Deputes de son peuple, qui le pressent de se marier; elle ne convient point a une Prince grave & serieux: vous voulez bien encore, poursuivit-il, que je vous conseille de supprimer la longue description de votre cha.s.se? Qu'importe tout cela au fond de votre histoire? Croyez-moi ce sont de vains & ambitieux ornemens qui apauvrissent votre Poeme au lieu de l'enrichir. Il en est de meme ajouta-t-il, des preparatifs qu'on fait pour le mariage du Prince, tout cela est oiseux, & inutile. Pour vos Dames qui rabaissent leurs coeffures, qui couvrent leurs gorges, & qui allongent leurs manches, froide plaisanterie! Aussi bien que celle de l'Orateur qui s'applaudit de son eloquence: je demande encore, reprit celui qui avoit parle le premier, que vous otiez les reflexions Chretiennes de Griselidis, qui dit, que c'est Dieu qui veut l'eprouver, c'est un sermon hors de sa place. Je ne saurois encore souffrir les inhumanitez de votre Prince, elles me mettent en colere, je les supprimerois. Il est vrai qu'elles sont de l'histoire; mais il n'importe. J'oterois encor l'Episode du jeune Seigneur qui n'est la que pour epouzer la jeune Princesse, cela allonge trop votre Conte; Mais lui dis-je, le Conte finiroit mal sans cela. Je ne saurois que vous dire, repondit-il, je ne laisserois pas que de l'oter.

A quelques jours de la je fis la meme lecture a deux autres de mes amis, qui ne me dirent pas un seul mot sur les endroits dont je viens de parler, mais qui en reprirent quant.i.te d'autres. Bien loin de me plaindre de la rigueur de votre Critique, leur dis-je, je me plains de ce qu'elle n'est pas a.s.sez severe, vous m'avez pa.s.se une infinite d'endroits que l'on trouve tres dignes de censure. Comme quoi, dirent-ils? On trouve leur dis-je, que le caractere du Prince est trop etendu, & qu'on n'a que faire de savoir ce qu'il faisoit le matin & encore moins l'apresdinee. On se moque de vous, dirent-ils tous deux ensemble, quand on vous fait de semblables critiques. On blame, poursuivis-je, la reponse que fait le Prince a ceux qui le pressent de se marier, comme trop enjouee & indigne d'un Prince grave & serieux.

Bon, reprit l'un d'eux, & ou est l'inconvenient qu'un jeune prince d'Italie, pas ou l'on est accoutume a voir les hommes les plus graves & les plus elevez en dignite dire des plaisanteries, & qui d'ailleurs fait profession de mal parler, & des femmes & du mariage, matieres si sujettes a la raillerie, se soit un peu rejoui sur cet article. Quoi qu'il en soit je vous demande grace pour cet endroit comme pour celui de l'Orateur qui croyoit avoir converti le Prince, & pour le rabaiss.e.m.e.nt des coeffures; car ceux qui n'ont pas aime la reponce enjouee du Prince ont bien la mine d'avoir fait main ba.s.se sur ces deux endroits-la. Vous l'avez devine, lui dis-je. Mais d'un autre cote, ceux qui n'aiment que les choses plaisantes n'ont pu souffrir les reflexions Chretiennes de la Princesse, qui dit que c'est Dieu qui la veut eprouver. Ils pretendent que c'est un sermon hors de propos. Hors de propos? reprit l'autre; non seulement ces reflexions sont necessaires au sujet: mais elles y sont absolument necessaires. Vous aviez besoin de rendre croyable la patience de votre Herone, & quel autre moyen aviez-vous que de lui faire regarder les mauvais traitemens de son Epoux comme venans de la main de Dieu? Sans cela on la prendroit pour la plus stupide de toutes les femmes, ce qui ne feroit pas a.s.surement un bon effet.

On blame encore leur dis-je l'Episode du jeune Seigneur qui epouse la jeune Princesse. On a tort reprit-il, comme votre ouvrage est un veritable Poeme, quoique vous lui donniez le t.i.tre de nouvelle, il faut qu'il n'y ait rien a desirer quand il finit. Cependant si la jeune Princesse s'en retournoit dans son Couvent sans etre mariee apres s'y etre attendue, elle ne seroit point contente, ni ceux qui liroient la nouvelle:

Ensuite de cette conference, j'ai pris le parti de laisser mon ouvrage tel a peu pres qu'il a ete lu dans l'Academie. En un mot j'ai eu soin de corriger les choses qu'on m'a fait voir etre mauvaises en elles-memes; mais a l'egard de celles que j'ai trouve n'avoir point d'autre defaut que de n'etre pas au gout de quelques personnes peut-etre un peu trop delicates, j'ai cru n'y devoir pas toucher.

_Est-ce une raison decisive D'oter un bon mets d'un repas, Parce qu'il s'y trouve un convive Qui par malheur ne l'aime pas?

Il faut que tout le monde vive, Et que les mets, pour plaire a tous, Soient differens comme les gouts._

Quoi qu'il en soit, j'ai cru devoir m'en remettre au public, qui juge toujours bien. J'apprendrai de lui ce que j'en dois croire, & je suivrai exactement tous ses avis, s'il m'arrive jamais de faire une seconde edition de cet ouvrage.

FINIS.

INTERNATIONAL FOLKLORE

_An Arno Press Collection_

Allies, Jabez. On The Ancient British, Roman, and Saxon Antiquities and Folk-Lore of Worcestershire. 1852

Blair, Walter and Franklin J. Meine, editors. Half Horse Half Alligator.

1956

Bompas, Cecil Henry, translator. Folklore of the Santal Parganas. 1909

Bourne, Henry. Antiquitates Vulgares; Or, The Antiquities of the Common People. 1725